Paysans, le retour
'Hervé Kempf (journaliste au Monde) qui sera à Mérindol ce samedi à 11h00 pour une conférence salle 1
Paysans, le retour |
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Hervé Kempf - 21 mai 2009 Mesdames et Messieurs, J’ai l’honneur et le privilège de vous informer du retour des paysans. La
pensée dominante nous a depuis des décennies habitués à penser que
l’activité agricole devait être, en termes d’emploi, résiduelle :
l’augmentation de la productivité agricole, l’urbanisation des
sociétés, l’évolution vers une économie de services rendraient marginal
ce qui a fondé l’armature des civilisations pendant des siècles. Une
page aurait été définitivement tournée. Les
politiques se sont organisées avec obstination autour de cette idée,
encourageant l’agrandissement des exploitations sans s’inquiéter de la
diminution constante du nombre d’agriculteurs, considérant l’espace
agricole comme une simple réserve à l’expansion urbaine, ignorant les
effets environnementaux d’une agriculture ultraproductiviste. Mesdames et Messieurs, J’ai
l’honneur et le privilège de vous annoncer une bonne nouvelle : les
idées d’une époque peuvent mourir, les dogmes peuvent être renversés.
Et j’ai donc l’immense plaisir de vous informer qu’en ces temps de
marasme mental et politique nous pouvons créer un million d’emplois en
Europe, cinq cent mille en France - des emplois de paysans. Effacez,
s’il vous plaît, l’esquisse du sourire ironique qui se dessine sur vos
lèvres, et écoutez. Entre 1950 et 2007, la productivité du travail
agricole a été multipliée par 26 : cela signifie qu’un paysan produit
vingt-six fois plus aujourd’hui qu’il y a soixante ans. Cela peut-il
continuer ? A l’évidence, non. Et d’autant moins que ce calcul oublie
les "effets externes" de cette évolution stupéfiante : érosion des
sols, pollution des nappes phréatiques, baisse de la biodiversité,
utilisation de masses énormes de pesticides et d’antibiotiques. En réalité, il devient essentiel de réduire ces effets externes, qui ont un coût caché pour la société très important.
Cela signifie travailler la terre autrement, y affecter plus de soin et
moins de machines. Donc réduire la productivité apparente du travail
agricole. Et donc, augmenter l’emploi paysan. Autre
point : croyez-vous vraiment que vous allez diminuer le nombre de
chômeurs, qui reprend sa courbe ascensionnelle, en fabriquant encore
plus d’automobiles, d’avions et d’emballages ? Il
nous faut bousculer nos schémas mentaux : l’agriculture est un secteur
d’avenir. Dans un texte intitulé "L’agriculture : un projet européen
pour sortir des crises", et que vous lirez sur Internet, des
associations interpellent citoyens et politiques. Ce qu’ils disent,
c’est : un million de nouveaux paysans, c’est
possible. A condition de changer la politique agricole, de favoriser
l’installation des jeunes, de freiner l’étalement urbain et de
contrôler la spéculation foncière, de soutenir les nouveaux modes de
production écologiques. Mesdames et Messieurs, Merci de votre attention enthousiaste. Source : Cet article est paru dans Le Monde du 17-18 mai 2009. |